Et si vous inventiez votre nom de famille ?

Alors qu’en France le système est immuable, en Suède, plus de 1 500 noms de famille sont créés chaque année. Mélanger des syllabes, utiliser des symboles, reprendre le patronyme de l’arrière grand-père, c’est la porte ouverte à toutes les idées. Ou presque....

« On a annoncé notre nom inventé au repas de mariage. C’était la surprise générale », sourit Ester Ehnsmyr, 35 ans, dans son appartement d’un quartier résidentiel d’Uppsala, à 70 km de Stockholm. Cette mère de trois enfants, chargée de communication, s’est mariée avec Johannes, 33 ans, agent artistique de la Ville, en 2009. À l’époque, elle s’appelle Ester Lindsmyr et lui, Johannes Ehn. Des amis avaient changé leur nom de famille en reprenant un nom perdu, celui d’une arrière-arrière-grand-mère ; ils ont inspiré le couple Ehnsmyr. « Nous avons commencé à réfléchir à la manière de faire, raconte Ester. Très vite, le nom s’est imposé en prenant le Ehn de Johannes et le Myr de mon nom de famille. »

Des raisons féministes

Si elle reconnaît que la fusion de deux noms de famille est romantique, Ester l’assure : « Je l’ai fait pour des raisons féministes, pour avoir un nom unique avec mon mari. » C’est aussi la raison invoquée par Elin Ylvasdotter qui a inventé son nom en mars 2015. Cette jeune femme de 24 ans s’appelait « Carlsson », fils de Carl. Son père et son grand-père s’appellent Carl, une tradition familiale bien ancrée. En Suède, dans le top 20 des noms les plus communs, 19 noms finissent par « sson » (fils) : Andersson, Larsson, etc. Ainsi, alors qu’elle n’est pas sur le point de se marier, Elin invente un nom de famille pour « rendre hommage à [sa] mère qui s’appelle Ylva »

Elin fait partie des 1 500 Suédois qui s’inventent un nom de famille chaque année. (Photo : Violette Goarant)

De « fils de Carl », elle devient ce qu’elle est : la fille d’Ylva, « Ylva’s daughter » en anglais, Ylvasdotter en suédois. Son père avait suggéré « Carlsdotter ». « Ce n’était pas assez fort pour moi,explique-t-elle. Il faut que les femmes prennent leur place dans la société. »

Ibrahimovic, Bernadotte…

Ester, Johannes et Elin font partie des 1 500 Suédois qui inventent leurs noms de famille chaque année. Enfin, ceux qui y parviennent, car les demandes sont bien plus nombreuses. Parfois, la proposition peut être refusée comme c’est le cas pour le patronyme du roi de Suède, Bernadotte, celui de Zlatan ou même des marques…

Il faut que ce soit original, mais pas farfelu : « Les associations de mots sur la nature et les saisons sont les plus prisées, remarque Runo Swärd, employé au service d’attribution des noms, le Patent-och registreringsverket (PRV). Måneflod, la lune et la rivière, est typique de ce qui est demandé. Comme c’est déjà pris, nous proposons des alternatives comme Månesjön, la lune et le lac, Månefjord, la lune et le fjord, etc. » Sur le site internet du PRV, des listes de noms attendent leur propriétaire.

Le PR (Patent-och registreringsverket) à Stockholm, où se trouve le service d’attribution des noms. (Photo : Violette Goarant)

Un nom de famille à acheter… et à donner

Le service n’est pas gratuit, l’invention d’un nom de famille est fixée à 180 € par adulte. Si un ami d’Elin ou d’Ester se montre intéressé par leur nom inventé, elles peuvent donner leur accord pour qu’il le porte. Une simple lettre envoyée au service des noms suffit. Cet ami doit s’acquitter d’une facture de près de 360 €, et c’est une famille d’un nouveau genre qui est fondée.

Et si, plus tard, les enfants d’Ester et Johannes décidaient d’inventer à nouveau un nom de famille ? Ester fait la grimace puis sourit : « On comprendrait… Après tout, mon premier nom de famille avait été inventé par mon arrière-grand-père. » Ce serait donc même perpétuer une tradition familiale.

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